[Compositeurs oubliés] Charles-Valentin Alkan
#1 7/09/2010 à 15:12
[Compositeurs oubliés] Charles-Valentin Alkan
Il y a, dans le répertoire pour clavier, les grands maîtres, que tout le monde connaît, qu'on aime et qu'on reconnaît à leur juste valeur : Bach, Mozart, Beethoven, Haydn, Chopin, Liszt, Schumann, Debussy... quelques dizaines de noms glorieux à la postérité non démentie.
Mais il est également des compositeurs tout aussi géniaux dont le nom ne dit rien à personne, ou presque. Ainsi est-ce pour Charles-Valentin Alkan, qu'on (re)découvre depuis quelques petites décennies à peine, et qui rechigne toujours aujourd'hui à émerger aux oreilles du plus grand nombre.
Alkan est né en 1813 et mort en 1888. Il s'inscrit clairement dans le mouvement romantique, aux côtés de Chopin et Liszt pour ne citer qu'eux. Il est d'ailleurs de la même "école" de virtuosité transcendante que Liszt, même goût pour les effets pyrotechniques inédits, pour les formes nouvelles, les titres programmatiques et imagés. On retrouve peu de Chopinerie cependant dans sa musique, à part dans quelques clins d'oeil discrets (des études ou autres morceaux employant une même ligne conductrice), mais on le trouve davantage dans l'homme hors de son oeuvre : d'abord un personnage mondain, virtuose des salons, puis un ermite taciturne, reclus et consacrant son temps uniquement à la composition.

Si Alkan est si peu connu aujourd'hui, il y a peut être une raison (légitime?) à cela : une bonne moitié de son oeuvre est à jeter. C'est dur, mais c'est véridique, une partie de son oeuvre est constituée d'études rébarbatives complètement anti-musicales, de morceaux de jeunesse clinquant faisant penser à du mauvais Moszkowsky (si tant est que Moszko a été bon). Par contre on trouve une autre moitié, véritable caverne d'Ali Baba, d'une difficulté technique certes quasi-insurmontable (souvent plus redoutable que Liszt, qui craignait d'ailleurs presque la technique d'Alkan), mais aussi et surtout d'une incroyable richesse, monceau d'innovations, de renouveau, et figures musicales géniales, de purs moments de féérie et de virtuosité au sens musical noble du terme.

Pour arrêter un peu le blabla, place à quelques exemples variés

Commençons par une Etude (alkan en a écrit un grand nombre) op 39 n°1 intitulée "Comme le Vent". Musique très descriptive, comme son nom l'indique et comme sa musique peut tout à fait nous le faire imaginer, d'une difficulté ahurissante.



Continuons par un morceau qui me tient à coeur chez Alkan, le Finale de son Concerto pour piano seul, qui fait partie du même recueil d'Etudes que Comme le vent. En effet dans cet Opus, Alkan a écrit 4 morceaux qui constituent une Symphonie pour piano seul, et 3 morceaux faisant un Concerto pour piano seul. Moulé dans la forme sonate, avec des typographies indiquant les parties "imaginaires" de Solo, ou de Tutti orchestral, on se figure aisément toute la masse orchestrale accompagnant les péripéties nombreuses d'un pianiste endiablé.



(personnellement je kiffe énormément le passage à partir de 6:54, qui est pour moi le plus réussi, le plus finement écrit, et qui pourrait former un morceau à lui tout seul)

Voici maintenant un Scherzo Diabolico, un peu plus "sage" techniquement (mais tout de même périlleux), et dans un esprit plus classique, se rapprochant assez du style de Chopin. On peut même comparer les petites figures du tout début du morceau avec le Scherzo n°2 de Chopin : clin d'oeil volontaire ou imitation inconsciente ?
Assez proche donc du Scherzo "hanté" à la Chopin, ce morceau est aussi un précurseur du style méphistophélien de Liszt (Mephisto Valse), avec ses figures chromatiques, ses octaves, ses intervalles de triton, tout ce matériau symbolisant la diablerie, les trompettes infernales, le soufre...




Beaucoup moins virtuose, mais à mon sens, d'un génie encore plus grand, le prélude de la chanson de la Folle au bord de la mer. Ce morceau utilise un matériau harmonique d'une simplicité déroutante (accords de tonique/dominante) qui traverse le morceau de part en part. Un thème chantant dans l'aigu comme une ritournelle enfantine, qu'on suppose être ce que chante la folle, au dessus des grondements sourds de la main gauche, la houle menaçante, les vagues roulantes... répétition dans le mode majeur du même thème, qui, très doucement, peu à peu, émerge de plus en plus vite, de plus en plus fort, dans un tourbillon délirant, comme une crise psychotique hallucinatoire de la folle, qui, de la même façon que la crise est arrivée, retombe dans son état de spirale, avec ce retour du thème, en lambeaux, à moitié couvert par les grondements de la houle, imperturbable...




Voila, quelques extraits d'un compositeur injustement oublié selon moi. J'espère que vous vous y intéressez, voire même apprécierez.
#2 7/09/2010 à 16:27
S'y intéresser oui, apprécier... non, je dois avouer que j'ai eu beaucoup de mal a écouter ces morceaux.
Étrangement pourtant, je ne suis pas surpris que tu l'aime bien sourire
possesseur d'un membre du CITJAD : Commando International des Théières Japonaises Armées et Dangereuses.
#3 29/10/2010 à 23:23
J'ai vu des signes de partitions, que je n'avais jamais rencontré Oo A la fin du concerto pour piano seul, j'étais incapable de me repérer sur la partition xD
"Mon dieu mais que joue-t-il ?"

Mais j'adore ! La chanson de la folle au bord de la mer me donne envie d'en faire un film =°

Je vais faire tourner à mes amis amateurs de piano...
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#4 2/11/2010 à 12:15
Tu m'avais déjà fait écouter le final concerto pour piano seul.
Après seconde écoute, je remarque avec plus d'attention les alternances très fréquentes entre passage tonaux - passage modaux, et parfois quelques cours emprunts complètement atonaux... Mais toujours avec, vite vite, un retour à la tonalité qui suit directement derrière. Ca doit certainement s'interpréter d'un point de vu esthétique et historique, non ? ^^

Sinon, je continue à préférer le final du final, à partir de 8'50, on s'en prend plein laggle :p
Dernière mise à jour le 2/11/2010 à 12:16 par nemo.
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