Une vérité scientifique peut-elle être dangereuse ? - page 1
#1 21/06/2010 à 1:24
Une vérité scientifique peut-elle être dangereuse ?
Sujet bac ES - juin 2010 : un sujet relativement inspirant, du moins pour moi. ccool
Voici donc en substance - et dans le désordre - quelques unes des propositions de réponse que j'aurais pu y apporter :


Passé la définition de la vérité (Aristote etc) et sans toutefois tout ramener à cela, il était déjà possible de faire un paragraphe sur la question de l'homosexualité : que se passerait-il en effet si la science en faisait officiellement une maladie (obligation de soin ?) ou une mutation génétique (eugénisme ?) ?
Idem lorsque des laboratoires pharmaceutiques "osent" modifier leurs molécules afin d'adapter les médicaments aux spécificités biologiques des hommes Noirs, relançant ainsi le débat sur les races (exemple du BiDil en 2005). Deux vérités (ou possibles vérités) scientifiques potentiellement dangereuses pour la paix sociale.
Possible également d'évoquer le mécanisme de la doublepensée (terme Novlangue) développé par George Orwell dans son roman 1984, véritable dénonciation des régimes totalitaires :

« Winston laissa tomber ses bras et remplit lentement d'air ses poumons. Son esprit s'échappa vers le labyrinthe de la double-pensée. Connaître et ne pas connaître. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s'annulent alors qu'on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale alors qu'on se réclame d'elle. Croire en même temps que la démocratie est impossible et que le Parti est gardien de la démocratie. Oublier tout ce qu'il est nécessaire d'oublier, puis le rappeler à sa mémoire quand on en a besoin, pour l'oublier plus rapidement encore. Surtout, appliquer le même processus au processus lui-même. Là était l'ultime subtilité. Persuader consciemment l'inconscient, puis devenir ensuite inconscient de l'acte d'hypnose que l'on vient de perpétrer. La compréhension même du mot « double pensée » impliquait l'emploi de la double pensée ».

Ainsi, si le Parti dit que 2+2 font officiellement 5, chacun est obligé d'y adhérer - bien qu'il sache pertinemment que cela fait en réalité 4 - sous peine de commettre un crime par la pensée et d'être exécuté. Pendant ce temps là, les ingénieurs militaires, eux, utilisent bien entendu la vérité scientifique. Une vérité scientifique qui, on l'a compris, se révélerait fort délétère pour le citoyen lambda s'il essayait de l'opposer à la vérité idéologique du Parti. D'ailleurs, dans une moindre mesure, c'est ce qui est arrivé à Galilée lorsqu'il prétendit à rebours du dogme catholique - et à juste titre, on le sait aujourd'hui - que la Terre tournait autour du Soleil (extensions possibles de cet exemple : dogme nazi du sous-homme juif, évolution darwinienne etc).

Pour le reste, la tentation était assez grande de confondre les produits de la science (bombe atomique, téléphones portables etc) avec les vérités scientifiques (la réaction nucléaire s\'obtient de telle façon, un téléphone émet des radiations) et de réaliser un catalogue de choses néfastes par nature. Si le lien avec le sujet semble évident, mieux valait probablement ne pas trop le développer sous peine de sortir du cadre prévu. L'évacuer dans l'introduction aurait été judicieux.

Par contre, il devait être possible de nuancer en précisant qu'une vérité scientifique pouvait aussi permettre de prévenir un danger en nous permettant de modifier nos comportements préalablement à sa venue : c'est ce qu'on essaye de faire actuellement pour canaliser le réchauffement climatique (malgré le fait que certains scientifiques en contestent encore la véracité), ou avec nos téléphones mobiles par exemple (le placer à la ceinture et utiliser un kit main-libre, ne pas dormir avec le téléphone à moins d'un mètre de la tête et j'en passe) même si la nocivité des radiations qu'ils émettent peine à être établie.

Préciser qu'une vérité scientifique peut-être valable un temps et être remise en cause ultérieurement par de nouveaux progrès (on a longtemps tenu pour vrai que les Noirs étaient inférieurs au Blancs en raison d'un cerveau un peu moins volumineux) était certainement possible mais en affirmant cela, on entretiendrait une certaine confusion entre vérité et théorie scientifiques, ce qui nous ramènerait invariablement à la définition même de la vérité : est-ce ce que l'on croit établi pour de bon, à l'image du cogito ergo sum de Descartes ? Ce même Descartes qui nous disait de progresser étape par étape dans la recherche de la vérité, sous-entendant qu'il était difficile d'être certain de quelque chose. Sans oublier Popper qui, via la corroboration, affirmait que le propre de la science était d'accepter de se remettre en cause : comment être sûr de détenir la vérité dans ce cas ?

Conclure en disant que la vérité scientifique en elle-même constitue un fait (car il est certain qu'elle existe : il y a bien une vérité qui régit l'Univers) ; qu'elle est intrinsèquement neutre et constitue un élément de la compréhension du monde dont l'homme tente de s'approcher depuis ses origines ; qu'elle n'est donc par essence pas dangereuse, le danger venant essentiellement de l'utilisation que l'humanité - encore immature et souvent prompte à céder à ses passions - pouvait en faire me semblerait être une bonne idée.

D'accord ? Pas d'accord avec moi ? D'autres propositions qui vous viendraient en tête ? aie
Dernière mise à jour le 21/06/2010 à 1:38 par Cassos.
Comment savez-vous si la Terre n'est pas l'enfer d'une autre planète ?
#2 21/06/2010 à 9:17
Bien sûr qu'elle peut.

[Ou comment exploser la façon moderne de philosopher]
#3 21/06/2010 à 15:24
Sur l'aspect philosophique, j'insisterai personnellement plus sur les vertus libératrices de la vérité scientifique, celle qui tend à nous "libérer de notre condition" et des dogmes religieux ou autres.

Ensuite, je trouve que tu confonds vérité et vérité scientifique. Je ne vois pas l'intérêt de parler de vérité "Orwellienne" imposée par une tyrannie, alors que la vérité dite scientifique, est par essence la remise en cause de tout ce qui existe sans préjugé (Descartes). Au lieu de parler de la vérité d'Aristote, j'aurais introduit le concept de méthode expérimentale selon Claude Bernard pour encrer le sujet dans le domaine scientifique.

Evidemment souligner le fait qu'il ne faut pas tomber dans le scientisme et le culte de la vérité, même scientifique. L'homme n'est pas prêt à tout affronter, et doit dans certains domaines rester aux apparences...

Concernant la vérité existant par elle même, parce qu'une vérité essentielle régit l'univers,tu es un peu mystique, même pour une conclusion. Si on avait la preuve qu'une vérité régit l'univers, ça nous avancerait bien.

Enfin, je vois pas du tout le rapport avec les gays, mais alors là pas du tout. Si un jour il est prouvé que l'homosexualité est de causes génétiques... avec des facteurs aggravants localisables dans certains gènes... et bien quoi ? ce ne sera pas la découverte du siècle. On a déja découvert beaucoup de choses dans les gènes, on pourrait théoriquement les modifier avec une thérapie génique adapter (disons dans 50 ans)... on ne le fera pas si la science moderne évolue comme aujourd'hui dans un cadre éthique.
#4 21/06/2010 à 18:06
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Posté à l'origine par: thrawn
Sur l'aspect philosophique, j'insisterai personnellement plus sur les vertus libératrices de la vérité scientifique, celle qui tend à nous "libérer de notre condition" et des dogmes religieux ou autres.

Ensuite, je trouve que tu confonds vérité et vérité scientifique. Je ne vois pas l'intérêt de parler de vérité "Orwellienne" imposée par une tyrannie, alors que la vérité dite scientifique, est par essence la remise en cause de tout ce qui existe sans préjugé (Descartes). Au lieu de parler de la vérité d'Aristote, j'aurais introduit le concept de méthode expérimentale selon Claude Bernard pour encrer le sujet dans le domaine scientifique.


Je suis un peu déçu que tu n'aies finalement pas suivi le raisonnement dans son ensemble alors que tu t'accordes initialement avec moi sur le fait que la vérité scientifique doit nous libérer des dogmes.
Car le fait est que cette libération peut ne pas se faire sans heurts. Introduire cela par Orwell, en plus de sous-entendre (sans toutefois le développer plus avant) que toute vérité n'est pas nécessairement scientifique, était simplement un moyen - via une référence originale - d'expliquer que le tenant d'une vérité scientifique pouvait avoir un mal de chien à l'imposer et que cela pouvait parfois engager sa vie.
Affirmer que 2+2=4 (énoncé intrinsèquement neutre) peut en effet s'avérer délétère (dangereux) lorsque l'on vit dans un monde où il est officiellement posé que 2+2=5.
Ce n'était ni plus ni moins qu'une allégorie destinée à replacer les découvertes de Galilée dans le contexte de leur époque ; une invitation à envisager le sort qui serait fait au médecin qui, étude à l'appui, viendrait contrarier les thèses évolutionnistes à tendance eugéniste des nazis ; une évocation de ce qu'il advint des partisans de la génétique en URSS.
Trois cas dans lesquels la vérité scientifique dérange une vérité religieuse ou partisane et si, ultérieurement, il ne fait aucun doute que cette vérité s'est imposée, cela n'aura pas été sans funestes conséquences. Un contre tous, ce n'est jamais facile.
Je n'ai absolument pas le sentiment que dire cela soit capillotracté.

Au surplus, tu noteras que la référence à Aristote était entre parenthèses et suivie d'un "etc", ce dernier impliquant qu'elle se situait parmi d'autres. Si elle n'était probablement pas LA définition qu'il fallait retenir pour le corps du devoir, elle ne méritait certainement pas d'être exclue de l'explication des termes du sujet de l'introduction, notamment en ce qu'elle constitue l'une des premières définitions de la vérité.

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Posté à l'origine par: thrawn
Concernant la vérité existant par elle même, parce qu'une vérité essentielle régit l'univers,tu es un peu mystique, même pour une conclusion. Si on avait la preuve qu'une vérité régit l'univers, ça nous avancerait bien.


Point de mysticisme là-dedans à mes yeux. Juste une évidence "descartiennes" (si je peux me permettre). Il ne fait à mon sens aucun doute qu'une ou plusieurs vérités régissent le fonctionnement de l'Univers. Celui-ci est soumis à des lois physiques qu'il est possible de transcrire en équations.
La seule question est de savoir si l'on trouvera un jour ces équations, si une théorie pourra prétendre au titre de "vérité universelle" (au sens littéral). Quoi qu'il en soit, certaines y sont déjà candidates.
J'admets toutefois qu'il s'agit pour une large part d'une intime conviction, donc pas forcément d'un argument recevable même si je doute qu'un correcteur apprécie (quoique) que l'on remette cela en cause pour sous-entendre l'existence et l'influence d'une variable telle que la volonté divine.

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Posté à l'origine par: thrawn
Evidemment souligner le fait qu'il ne faut pas tomber dans le scientisme et le culte de la vérité, même scientifique. L'homme n'est pas prêt à tout affronter, et doit dans certains domaines rester aux apparences...

Enfin, je vois pas du tout le rapport avec les gays, mais alors là pas du tout. Si un jour il est prouvé que l'homosexualité est de causes génétiques... avec des facteurs aggravants localisables dans certains gènes... et bien quoi ? ce ne sera pas la découverte du siècle. On a déja découvert beaucoup de choses dans les gènes, on pourrait théoriquement les modifier avec une thérapie génique adapter (disons dans 50 ans)... on ne le fera pas si la science moderne évolue comme aujourd'hui dans un cadre éthique.


Là encore, tu commences par te rallier à mon avis général ("l'homme n'est pas prêt à tout", ceci ayant pour effet de rappeler à nouveau dans le débat la réaction humaine face à la vérité scientifique) pour ensuite te montrer "incapable" d'en tirer les conséquences logiques (sans offense).
L'exemple des gays est donc au contraire entièrement justifié car symptomatique de la réaction humaine face à une découverte. Et dans une certaine mesure, tu le reconnais toi-même on concluant qu'on ne le fera pas (ndlr eugénisme ou obligation de soin) si la science moderne évolue comme aujourd'hui dans un cadre éthique.
Ainsi, tu pointes le problème de l'éthique, de la morale, de valeurs sociétales que tu ériges en tempéraments d'une vérité scientifique malgré leur caractère des plus contingents.
Rien ne te permet de dire qu'il n'y aura pas à l'avenir de stigmatisation des homosexuels se complaisant dans leur "maladie" par le refus du traitement qui pourrait les en tirer ; qu'il n'y aura pas d'obligation de soin à leur égard, contrariant leur choix de rester tels qu'ils sont.
Et si l'homosexualité était une "tare" génétique, bien que cela soit neutre en soit, l'évitement du problème par l'eugénisme deviendrait envisageable. Là encore, rien ne te permet de dire qu'aucun parent ne demanderait jamais à ce que son enfant à naitre ne soit pas gay. Rien ne te permet d'imaginer un monde sans la moindre sélection génétique (on en pratique déjà aujourd'hui, à différents niveaux selon les pays), un monde dans lequel il ne serait pas éthique de laisser les gens dans la dégénérescence lorsque l'on avait à sa disposition les moyens de les en prémunir, un monde où l'on catégoriserait les gens selon qu'ils seraient "enfants du destin" ou "valides" (petite référence au film Bienvenue à Gattaca ainsi qu'au très connu livre d'Aldous Huxley - que je n'ai toutefois pas encore lu - le Meilleur des Mondes).

Le problème d'une découverte - précisément ce qui la rend dangereuse -, c'est l'utilisation qu'on en fait, la réaction que l'on a face à elle. Autrement dit, faire de la science un dogme, une idéologie serait aussi une erreur.
Dernière mise à jour le 21/06/2010 à 18:38 par Cassos.
Comment savez-vous si la Terre n'est pas l'enfer d'une autre planète ?
#5 21/06/2010 à 19:14
On ne peut en effet pas prédire l'avenir. Mais à quoi sert de prédire le pire ? Ce que je veux dire c'est qu'il faut avoir une certaine confiance dans la science elle même.
Aujourd'hui toute avancée scientifique se fait dans un cadre éthique. Je ne crois pas à la sélection génétique du type "bienvenue à gattaca". Ca restera un tabou fermement interdit. Ca le sera premièrement pour des raisons éthiques évidentes et surtout pour des raisons scientifiques, l'humanité existe par sa diversité, la remettre en cause serait dangereux.
Si les gouvernements, totalitaires ou non voulaient faire de l'eugénisme ou de la sélection, on peut se rassurer, ils ne commenceraient pas par l'homosexualité, ils choisiraient des cibles plus évidentes.

Tu dis que "rien ne me permet d'affirmer qu'il n'y aura pas dans l'avenir de stigmatisation des homos ..." si une "solution" à leurs "problème" existait. Je vais faire une très mauvaise comparaison pour te dire que si je peux l'affirmer. Dans la perspective ou on continue à évoluer dans des sociétés démocratiques et libérales, l'homosexualité continuera à être perçue comme un choix individuel - choix de s'accorder à ses instincts/penchants - non dangereux -et donc non condamnable- pour le reste de la société. Si tel n'était pas le cas, pourquoi n'imposerait-on pas aux obèses de se soigner ? Pas besoin de faire une découverte scientifique transcendante pour mettre un gros au régime de force en lui enlevant son paquet de chips ! (je sais c'est léger comme argumentaire).

Je suis convaincu que la vérité scientifique renforcera les libertés individuelles en déployant de nouveaux choix, pas en les restreignant. Une découverte sur l'homosexualité pourrait avoir un effet "dédiabolisateur" et conduire à plus d'acceptation.

Enfin, tu dis que la dangerosité d'une découverte réside dans ses potentialités néfastes. C'est vrai, mais il faut aussi mesurer le danger de ne pas savoir, de rester dans l'ignorance, or on ne peut pas le faire tant que l'on ne "sait" pas. C'est pour cela qu'il faut aller de l'avant et que s'il ne faut pas tomber dans le scientisme ou un autre dogme de la 'vérité', il ne faut pas avoir de "peur" de la vérité. Mais j'avoue que ma vision des choses est probablement influencé par mon rapport à la science elle même.

PS : Si si, j'avais bien lu ce que tu avais écrit. J'avoue ne pas avoir été très clair. C'est assez difficile de répondre à un "long" commentaire sans s'emmêler.
#6 22/06/2010 à 0:28
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Posté à l'origine par: thrawn

On ne peut en effet pas prédire l'avenir. Mais à quoi sert de prédire le pire ? Ce que je veux dire c'est qu'il faut avoir une certaine confiance dans la science elle même.


Je suis d'accord mais mon interprétation n'a jamais introduit de méfiance vis à vis de la science justement...
Seulement vis à vis des hommes ^^ .

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Posté à l'origine par: thrawn
Aujourd'hui toute avancée scientifique se fait dans un cadre éthique. Je ne crois pas à la sélection génétique du type "bienvenue à gattaca". Ca restera un tabou fermement interdit. Ca le sera premièrement pour des raisons éthiques évidentes et surtout pour des raisons scientifiques, l'humanité existe par sa diversité, la remettre en cause serait dangereux.
Si les gouvernements, totalitaires ou non voulaient faire de l'eugénisme ou de la sélection, on peut se rassurer, ils ne commenceraient pas par l'homosexualité, ils choisiraient des cibles plus évidentes.


Aujourd'hui, l'éthique semble dominer. Néanmoins, cette notion est à géométrie variable selon les pays que l'on analyse : songe qu'aux USA, il demeure tout à fait possible à un couple dont l'un des membres est stérile de sélectionner sur catalogue - et en fonction de ses caractéristiques physiques - le donneur potentiel. Une sélection qui entraîne une rémunération car il s'agit là-bas d'un marché comme un autre... Ethique ça ? Pas en France en tout cas où le don demeure volontaire, anonyme et gratuit.
Ensuite, affirmer que cette question d'une sélection génétique restera toujours tabou est présomptueux : outre le fait que les valeurs morales varient, certains régimes totalitaires à l'instar du IIIe Reich ont déjà mis en oeuvre des politiques eugénistes. Et contrairement à ce que tu penses, l'une de leurs premières cibles a été les homosexuels considérés comme "inférieurs et socialement indésirables".
Rien n'interdit donc que cela se reproduise à l'avenir surtout lorsque l'on sait que "l'Histoire est un éternel recommencement". D'ailleurs, même Aldous Huxley nous annonçait dès 1952 la venue d'une telle horreur dans le délai d'un siècle. Et comme le sujet s'axe autour du verbe "pouvoir", l'exclusion par principe de cette possibilité serait une erreur.

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Posté à l'origine par: thrawn
Tu dis que "rien ne me permet d'affirmer qu'il n'y aura pas dans l'avenir de stigmatisation des homos ..." si une "solution" à leurs "problème" existait. Je vais faire une très mauvaise comparaison pour te dire que si je peux l'affirmer. Dans la perspective ou on continue à évoluer dans des sociétés démocratiques et libérales, l'homosexualité continuera à être perçue comme un choix individuel - choix de s'accorder à ses instincts/penchants - non dangereux -et donc non condamnable- pour le reste de la société. Si tel n'était pas le cas, pourquoi n'imposerait-on pas aux obèses de se soigner ? Pas besoin de faire une découverte scientifique transcendante pour mettre un gros au régime de force en lui enlevant son paquet de chips ! (je sais c'est léger comme argumentaire).

Je suis convaincu que la vérité scientifique renforcera les libertés individuelles en déployant de nouveaux choix, pas en les restreignant. Une découverte sur l'homosexualité pourrait avoir un effet "dédiabolisateur" et conduire à plus d'acceptation.


Oui, je suis d'accord avec toi : ton interprétation est également valable.
Mais encore une fois, ton raisonnement est conditionné par la persistance des démocraties libérales. Hypothèse incertaine par nature (tout comme la survenue d'un régime totalitaire et eugéniste).

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Posté à l'origine par: thrawn
Enfin, tu dis que la dangerosité d'une découverte réside dans ses potentialités néfastes. C'est vrai, mais il faut aussi mesurer le danger de ne pas savoir, de rester dans l'ignorance, or on ne peut pas le faire tant que l'on ne "sait" pas. C'est pour cela qu'il faut aller de l'avant et que s'il ne faut pas tomber dans le scientisme ou un autre dogme de la 'vérité', il ne faut pas avoir de "peur" de la vérité. Mais j'avoue que ma vision des choses est probablement influencé par mon rapport à la science elle même.


Je suis de nouveau d'accord avec toi mais là encore, le principal problème n'est pas tant le savoir que ce qu'on va en faire. L'homme n'a pas peur de la vérité : il la cherche depuis toujours. Par contre, il est souvent enclin à avoir peur de ses semblables et donc à instrumentaliser une vérité pour s'en servir comme d'une arme. Le problème, plus que le savoir en lui-même, est donc la déraison, la passion, l'immaturité, l'emportement qui peuvent guider les comportements humains.
On pourra par exemple penser à certains musulmans prosélytes sérieusement convaincus que les découvertes scientifiques du XXe siècle confortent le caractère divin d'un Coran dont ils interprètent d'obscures sourates afin qu'elles disent ce qu'ils veulent entendre. Tout ça pour conclure que ce que l'homme n'a découvert qu'aujourd'hui, Allah l'avait annoncé il y a 1400 ans.
(Sauf que si le Coran était réellement une sorte de manuel scientifique, y découvrir les avancées de demain ne devrait pas être compliqué. Pourtant personne n'y parvient ce qui suffit pour moi à invalider ce raisonnement.)
Dernière mise à jour le 22/06/2010 à 0:37 par Cassos.
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#7 22/06/2010 à 23:38
La science est un discours, mais ce discours n'est pas fait que de propositions qui se posent comme des vérités. Il me semble en fait que, plus souvent (depuis Popper ?), on parle d'hypothèses et de théories, énoncés ouverts à la falsification (contrairement aux vérités).

Je défendrais donc que le danger commence précisément lorsque le discours scientifique se pose comme étant celui de la vérité, parce qu'il interdit alors la critique et annule les interprétations du monde et de l'homme qui ne sont pas les siennes. Le danger, en ce sens, est celui d'un totalitarisme : ces énoncés sont dangereux parce qu'ils sont intouchables et exclusifs, et je suis donc en désaccord avec l'idée que le danger ne vient que de ce que font les hommes de ces discours.
Dernière mise à jour le 22/06/2010 à 23:41 par Michel Sucre.
#8 23/06/2010 à 3:41
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Posté à l'origine par: Michel Sucre
La science est un discours, mais ce discours n'est pas fait que de propositions qui se posent comme des vérités. Il me semble en fait que, plus souvent (depuis Popper ?), on parle d'hypothèses et de théories, énoncés ouverts à la falsification (contrairement aux vérités).

Je défendrais donc que le danger commence précisément lorsque le discours scientifique se pose comme étant celui de la vérité, parce qu'il interdit alors la critique et annule les interprétations du monde et de l'homme qui ne sont pas les siennes. Le danger, en ce sens, est celui d'un totalitarisme : ces énoncés sont dangereux parce qu'ils sont intouchables et exclusifs, et je suis donc en désaccord avec l'idée que le danger ne vient que de ce que font les hommes de ces discours.


J'ai effectivement mentionné Popper qui a toute sa place dans le débat mais le problème de ses théories, c'est qu'elles détruisent l'idée même de certitude.
Or j'ai l'intime conviction (argument irrecevable donc) que si les théories scientifiques d'aujourd'hui (vérités d'un temps) acceptent la remise en cause, dans une époque plus lointaine l'homme parviendra à découvrir la clé de tout, la vérité absolue qu'il recherche depuis si longtemps (car je suis persuadé que celle-ci existe). Une fois qu'il se sera accordé avec ses semblables pour la reconnaitre comme "parfaite" donc irréfutable (notamment parce qu'elle explique aussi bien l'infiniment grand que l'infiniment petit et ce dans un tout unifié), l'impossibilité de la remettre en cause ne sera alors pas tant une interdiction et la preuve d'un totalitarisme scientifique qu'une simple question de logique.
Admettre qu'on a touché au but deviendra une évidence du plus pur style du cogito.
Dernière mise à jour le 23/06/2010 à 3:42 par Cassos.
Comment savez-vous si la Terre n'est pas l'enfer d'une autre planète ?
#9 23/06/2010 à 8:47
Je n'ai pas défendu que la vérité n'existait pas, ni qu'une vérité scientifique était impossible. J'ai cherché à localiser le danger (totalitaire) dans la vérité en tant que discours, et non dans la fausse-vérité.

Il ne peut s'agir d'une "simple question de logique" : d'abord parce que la logique émet des raisonnements valides plutôt que des vérités, ensuite parce qu'il n'existe pas une seule logique, mais une infinité de manières d'appréhender l'univers (le cogito, par exemple, est peu compatible avec les théories de Freud). Je les interdis toutes lorsque j'énonce une vérité, parce que je leur ôte toute légitimité à partir de mes propres critères.

(Ajoutons que le cogito n'est pas une proposition logique, Descartes le dit lui-même dans sa correspondance. :-))
Dernière mise à jour le 23/06/2010 à 9:05 par Michel Sucre.
#10 20/02/2011 à 21:18
J'ai parcouru ce topic (en diagonale approfondie, sozusagen ), et je n'ai pas bien compris ce que venait faire l'homosexualité là-dedans. Si l'on m'avait donné ce sujet, je ne pense pas que j'y aurais collé la question gay.

Quant au "2+2=5" de 1984, ça n'est pas, pour moi, une vérité scientifique. C'est une vérité idéologique, tout ce qu'on veut, mais pas scientifique. Cette fameuse vérité a donné ce qui, à mon avis, est l'une des plus succulentes scènes du livre, celle dans laquelle O'Brien tend quatre doigts à Winston en lui exigeant de lui qu'il en reconnaisse cinq.

Enfin, je vais tenter d'apporter de l'eau, certes peu, au moulin. Une vérité scientifique peut-elle être dangereuse? Pour les hommes d'avant la bombe atomique, non. Max Weber, dans Le savant et le politique, -Wissenschaft als Beruf-, affirmait que toute découverte scientifique était wissenswert, c'est-à-dire "digne d'être connue". La bombe atomique a remis en cause cet adage. Il eût été intéressant de connaître la position de Weber sur la question, mais le pauvre homme est mort en 1920. Avec la bombe, l'homme a ouvert la dernière porte du château de Barbe-Bleue, pour reprendre la métaphore de George Steiner ; comme dans le conte, l'ultime pièce regorgeait de cadavres : ce sont les morts d'Hiroshima et de Nagasaki, que l'Histoire rappelle à elle, dans une volute de fumée et de cendres, d'où pas même la mort ne revient.

Brève contribution, j'en conviens, mais j'espère pouvoir reprendre mon argumentaire plus en détail prochainement.
Dernière mise à jour le 20/02/2011 à 21:21 par Chemin-Vert.
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