White Wolf
Posté le 30 Juin 2015 par White Wolf
«…ne reposes pas tous tes espoirs sur moi…»

L’une des phrases les plus importantes de tout ce qu’il m’avait dit lorsque je lui ai avoué que je l’aimais. Mais Cette phrase-là, je ne l’ai pas entendu. Ou plus exactement, je ne l’ai pas écouté, je n’ai pas voulu l’entendre. Car j’avais de l’espoir. Un espoir immense et la certitude que tout allait bien se passer entre nous. J’avais besoin de cette certitude qui me faisait sentir si bien. J’avais la conviction de pouvoir réussir cette épreuve.

La conviction…Voilà un mot qui ne me définit pas vraiment. J’ai du mal à avoir du courage et de la conviction. J’ai toujours peur de m’imposer, de m’inscrire à des activités, d’achever des projets, et j’avoue avoir du mal à écrire ce chapitre tellement ma conviction a disparue pour cette histoire.

Pourtant, j’en avais, plus jeune. J’étais une force de la nature à cette époque-là, une pile d’énergie et un condensateur de conviction à toute épreuve, selon mes parents. Ils m’avaient déjà raconté une histoire qui s’est passé quand j’avais six ans. Mon école organisait une petite fête où les enfants inscrits pouvaient faire un mini spectacle. Je ne m’étais pas inscrit à temps, mais je voulais faire un spectacle de magie. Et je m’entraînais encore et encore chez moi, sous le regard et les soupirs de mes parents qui me disaient que ce n’était pas la peine de m’exercer car je n’allais pas participer à la fête. Lorsque le jour de la fête arriva, je pris mes affaires de magicien et m’approcha de l’estrade pour dire que c’était mon tour, jusqu’à ce que la maîtresse m’arrête pour me dire que je n’avais rien à faire dans le spectacle. J’ai insisté, insisté insisté…Et elle céda. Ma force de conviction avait été assez forte pour aller au-delà des inscriptions, au-delà de la patiente d’une dame qui devait se charger d’un grand nombre d’enfants…

Je n’avais pas peur d’affronter les choses à cette époque, de me confronter aux gens et aux situations. Maintenant, j’ai peur de tout, je crains l’erreur, le faux pas. Même si je prends plus d’assurance au fil du temps, il m’arrive encore de voir ma vie paralysé par une décision à prendre, pas un coup de fil important à passer, une discussion sérieuse à engager…
Et ça fait longtemps, très longtemps que je n’avais pas eu une telle conviction en moi. Je l’avais, car c’était important, car Raphaël était important, et car mon amour pour lui était sur le moment la chose la plus importante de toute ma vie.

Deux-trois semaines après ma confession, une soirée était prévue, avec Lucien et Raphaël. Bon, vous connaissez la musique, toujours les mêmes deux personnes, mes histoires amoureuses ne sont jamais produits ailleurs qu’autour d’eux de toute manière. Bref. Une nuit longue et blanche, que Lucien voulait organiser lui-même, mais pour des raisons diverses, il ne pouvait pas la faire chez lui. Du coup, j’ai proposé chez moi. On ne faisait jamais rien chez moi, c’était donc une bonne occasion, et surtout une occasion de me rapprocher un peu de Raphaël. Car oui, j’étais obsédé par cette pensée. Et car j’étais trop impatient de commencer, je lui ai proposé de venir une heure plus tôt que Lucien.

J’imaginais déjà comment tout allait se passer. Je ne voulais rien de particulier, d’incroyable. Il fallait commencer bas : simplement le toucher, avoir un peu de contact. Je pensais par exemple à me coller un peu à lui, lui tenir la main ou autre chose. Sincèrement, je n’ai jamais ressentis de désir sexuel pour lui. Ce désir était un peu présent tout de même en moi, mais tellement insignifiant par rapport à tout ce que je voulais d’autre de lui. Je ne voulais pas son corps, mais sa présence. Je ne voulais pas son intimité, mais son esprit, son âme magnifique à mes cotées. Je voulais sentir qu’il était auprès de moi, car j’étais heureux lorsqu’il était là. Rien dans le plaisir charnel, mais tout dans le toucher tendre et affectif, à la fois physique et spirituel.

Bien évidemment, lorsqu’il arriva à la maison, tout ce dont j’avais prévus semblait bien plus difficile à réaliser que dans mes pensées. Mais je savais que c’était normal. J’étais prêt à prendre tout mon temps avec lui. Le fait qu’il ne semblait pas du tout gêné qu’on passe un peu de temps ensemble avant que Lucien n’arrive m’a assez rassuré et je commençais à me dire que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pour patienter, je lui ai proposé de regarder le premier épisode de la série « le trône de fer ». Une des série les plus vues au monde et il n’avait ni vue la série, ni lu les livres. Il accepta, et nous nous posâmes sur deux chaises pour la visionner sur l’ordinateur de ma chambre.

Je ne regardais pas la série. Je n’arrivais pas à me concentrer là-dessus, car j’étais obsédé par l’idée de faire quelque chose, n’importe quoi. Il fallait que je teste, que je voie jusqu’où je pouvais aller avec lui. Et pourtant…j’avais honte. J’avais honte de penser uniquement à ça au lieu de profiter de sa présence en simple ami. Si je tentais un contact, quelle image de moi ça lui donnerait ? Celui de quelqu’un qui l’aurait invité juste pour être intime ? En même temps…Il a accepté d’essayer, de voir si ça marchait, il a donc signé pour des possibles tentatives de temps en temps. Je ne savais pas quoi faire et je me poussais à agir. Je me sentais mal, mais je poussais, poussais ma bouche à s’ouvrir, et c’est presque dans un chuchotement que j’ai dit :

-Je peux me poser un peu sur toi ?

-…Si…tu veux…

Je le trouvais aussi gêné que moi, mais je partais du principe que c’était juste nouveau pour tous les deux et que peut-être…qu’on allait s’y habituer au fil du temps. Je craignais ce que je faisais tout en me disant que je n’avais rien à craindre. C’était un sentiment étrange.

Mais je décidais d’approcher ma tête de son épaule. Le problème était que nos chaises respectives étaient à des hauteurs différentes et je n’arrivais pas à atteindre son épaule, mais simplement son bras. Et la chaise de Raphaël possédait un accoudoir qui nous séparait, ce qui m’avait forcé à me pencher un peu plus, me mettant dans une position ridicule et désagréable.

Et l’image de moi, la tête posé sur lui, cette image magnifique qui me faisait rêver, a été transformé en une image grotesque de moi-même et un sentiment de mal-être entre nous deux.

-Ça ne marchera pas…

Ces mots suffirent à me faire quitter cette position inconfortable et je le regardais dans les yeux. Il y eu un silence de mort, le seul bruit étant celle de la série que nous n’avions pas mis en pause.

-Pourquoi ? Osais-je demander.

Pour moi, il y avait tellement de raisons pour dissuader Raphaël d’être avec moi. Il y avait tout d’abord une légère différence d’âge : il avait 20 ans et moi 17 et timide et bon garçon comme il est, peut-être que ce petit décalage le dérangeait. Ou encore le fait que je n’étais pas encore majeur, auquel cas on était seulement à quelque mois de mon anniversaire. Tout allait s’arranger, non ?

Ce pouvait aussi être une question de religion. Il était juif, et moi chrétiens. Mais pour nous deux, la religion n’avait qu’une part tout à fait secondaire de notre vie, en tout cas pour moi. Je pouvais peut-être le rassurer en disant que j’ai aussi un certain esprit athée et que je respectais tout à fait ses croyances.

Une dernière possibilité restait le fait qu’il ne pouvait peut-être pas assumer une relation avec un autre garçon, surtout si ses parents étaient au courant. Pour ça, je pouvais lui dire que notre relation pouvait rester secrète. Ou alors…

-…Car je ne suis pas attiré par les hommes. Je suis désolé…

…Au fond, je le savais…Je le savais, mais je ne voulais pas y croire. C’était évident, logique, c’était la seule réponse valable, mais une partie de moi avait renié cette possibilité, car si ça avait été vrai, si Raphaël n’était pas homosexuel ou bisexuel…Alors cela voulait dire qu’il n’y avait plus rien à faire. Rien de ce que je pouvais faire n’allait régler les choses. Je devais baisser les bras. Abandonner cette relation qui ne dura qu’une demi-heure, et qui n’est jamais allé plus loin qu’une tête maladroitement posé contre un bras tendus. C’était ridicule…Je me sentais mal…

-C’est bon, dis-je. On aura essayé, mais mieux vaut oublier ça.

Je lui jetais un sourire histoire de le réconforter. Attentionné comme il était, il me demanda quand-même si j’allais bien et me demandait pardon pour ne pas pouvoir être là pour moi « comme je le voulais », mais je le rassurais en disant que tout allait bien. Et sincèrement…Je ne me sentais pas non plus dévasté. Pas heureux, évidemment, assez déçu, mais je n’allais pas me couper les veines pour autant

La journée a été assez banale. Sympathique, comme d’habitude et il n’y avait rien à dire de ce moment passé avec mes deux compères. La différence avec les autres fois était que cette-fois ci, au lieu de se quitter devant le métro, nous dormions tous ensemble dans la maison, vidée de mes parents qui étaient en voyage à ce moment-là.

Après s’être couché, souhaitant nos bonnes nuits et nos beaux rêves entre nous, nous nous allongeâmes sur nos matelas respectif pour commencer à dormir. Je suppose qu’ils ont bien pu dormir. Moi…c’était une autre paire de manche. Toute la journée, j’avais été calme, tranquille. Je ne me faisais aucun souci et là, tout d’un coup, tout tomba sur moi. Dans l’obscurité, mes yeux s’habituaient et je voyais Raphaël, à quelque mètres de moi, dormir paisiblement.

Il était si beau…En vérité, ce n’était pas un garçon vraiment sexy, mais lorsqu’on aime quelqu’un, on trouve que c’est la plus belle personne du monde. Et encore maintenant, personne ne fait le poids pour moi face à la beauté de Raphaël. Cet ange, si magnifique, rayonnant. Si pur, si doux. La bonté incarnée, l’innocence même. Personne ne lui arrivait à la cheville, l’univers était ridicule, insignifiant devant lui, devant sa divine présence…Je l’aime, je l’aime comme personne n’aurait jamais aimé quelqu’un.

Le voir ici, devant moi me donnait envie de le prendre dans mes bras et les resserrer sur lui pour fermer les yeux à ses côtés. Et alors que j’avais pensé à ça, je me rendais compte soudainement que ça n’arriverait jamais. Me rendre compte de ça avec autant d’impact sur moi qu’une baffe en pleine joue. Il ne sera jamais à moi, et jamais je ne pourrais vivre en l’aimant…Cela m’était interdis.

Il était si près de moi, si près, si accessible…Et pourtant si loin…intouchable…

Je me levais de mon lit et allait vers les toilettes, décidant de prendre un temps pour me calmer. Je m’asseyais sur le couvercle fermé et passa mes mains sur mon visage, respirant lentement, calmement, tentant de garder mon calme. J’étais fort, jusque-là j’avais tenu, je n’avais aucune envie de craquer. Je devais rester fort, fort…
La poignée tourna, mais j’avais pris soin de verrouiller la porte.

-C’est occupé !

-Oui, désolé. J’irais plus tard.

C’était la voix de mon ange qui traversa une nouvelle fois mes oreilles, avant que je n’entende le bruit de ses pas s’éloigner. Cet ange qui partait, et me laissait seul.

Fatigué, angoissé, énervé, je lachaîs prise, et pris d’une faiblesse que je n’avais jamais sentis auparavant, je me mis à pleurer une bonne partie de la nuit.
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