White Wolf
Posté le 6 Octobre 2015 par White Wolf
Chapitre 4 :

L’anglais était mon point fort. Les langues, d’une manière générale, faisait ma fierté. Viens ensuite les sciences économiques et sociales, qui me permet d’analyser l’homme et sa société. Une matière que j’adore et dans laquelle j’excelle. L’histoire-Géographie par contre est l’un de mes points faibles : je ne retiens jamais les dates, confond les croquis entre eux…Les mathématiques représentent enfin ma bête noire : trop rigide, trop strict, trop incompréhensible. Une seule série de calcul gagnante sur une infinité possible d’erreur. La moindre petite faute fausse tout le reste. Au moins, avec des matières comme la philosophie ou la littérature, il n’y a pas une seul réponse, mais plusieurs. Parfois, il ne faut même pas répondre à la question, mais en soulever d’autres. Réfléchir, argumenter, jouer avec les mots, la pensée, la psychologie pour grappiller les points en dissertation.

Et maintenant que vous savez tout cela, vous allez comprendre pourquoi le jeudi est la pire journée de ma semaine : Deux heures de mathématiques d’affilés le matin, suivis de deux heures d’économie pour décompresser. Mais après la pause déjeuner, une heure d’espagnol, deux heures d’histoire géographie. Non seulement, c’était une journée longue, mais mal répartie, comportant quatre heures de torture, deux heures de plaisir et une heure d’indifférence et d’ennui (à savoir, l’espagnol).

Cela faisait déjà deux semaine que je suis rentré en terminale ES et j’en avais déjà marre. Les jours étaient long, je devais travailler pas mal de temps après être rentré et la météo était en ce moment particulièrement pourris. Quand je pense qu’il n’y a pas si longtemps, je me plaignais de la cha-leur…Maintenant, il faisait un temps de chient. Le vent était fort et froid…

Au moment où on sortait du lycée, il commençait à pleuvoir des cordes et un quart de l’école se pressait pour se réfugier sous le petit toit de l’arrêt de bus, devant la sortie de la cour. Histoire d’attendre sans trop m’ennuyer, je sortais toujours mes écouteurs pour passer un peu de musique. Aussi idiot que ça pouvait paraitre, je m’écoutais presque constamment du rolling stones lorsque je devais rentrer chez moi. Le bus surgissait de cette pluie battante et nous ouvrait les portières pour nous accueillir en son sein. Chacun prenait sa place et, faisant partie des derniers à entrer, je m’avançais vers les dernières places libres au fond. Molly ne rentrait pas en bus le jeudi et le vendredi, pour des raisons qu’elle gardait privées. Du coup, je me retrouvais seul avec mes écouteurs.

Je m’empêchais de rire en constatant que toutes les places du bus étaient prises, à l’exception de trois places au fond et que, près de ces places, en face d’une fenêtre ouverte, se trouvait Erwin. Le monde voulait-t-il que j’interagisse à nouveau avec lui ? Je ne pensais pas. Je ne croyais pas au des-tin, simplement aux coïncidences. De toute manière, je ne voulais pas le déranger et j’avais compris qu’il n’était pas du genre bavard. Je me contentais de m’asseoir deux sièges plus loin, allumant mon téléphone pour me passer de la musique.

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J’ai laissé la fenêtre ouverte pour laisser passer le vent. Il faisait frais. Des gouttes de pluie tombaient sur mes jambes. Ressentir ses petites gouttes fraîches était agréable. Chaque sensation me rappelait que j’étais vivant, et se savoir vivant était la base de l’existence. J’attendais que le bus quitte la ville. Dans la ville, les odeurs n’étaient pas les plus agréables, c’était souvent trop bruyant aussi. Une fois en dehors, je pouvais sentir. J’entendais le moteur. Il vrombissait, me faisait vibrer. Je sentais les petites secousses, elles n’étaient pas désagréables. J’entendais la mer. Les vagues se percutaient sur les rochers. Je sentais l’écume qui résultait du fracas des vagues sur la côte, le sel me piquant un petit peu le bout du nez. L’odeur de l’air humidifié par un léger brouillard environnant. L’odeur de la terre mouillée. J’inspirais profondément, voulait sentir chaque choses que pouvait capter mes narines. Prendre conscience du monde qui nous entourait. Prendre conscience et vivre. Je rouvrais les yeux, regardais par la fenêtre. La mer était bleu-grise. Hier encore, elle était claire, vive, transparente. Aujourd’hui, la tempête la rendait folle. Elle n’était pas calme. Elle était furieuse et je pouvais la comprendre. Cela m’arrivait d’être comme ça, parfois.

Entre les bruits des vagues et le moteur du bus, un autre son. Un son étouffé, il n’était pas naturel. Intriguant…Je jetais un regard. Téléphone, écouteur. De la musique ? C’était…étrange. Je n’écoutais pas de musique. Je ne m’intéressais pas à ça. Pourquoi j’écoutais ?
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https://www.youtube.com/watch?v=pkXIYgsvO0c

J’étais plongé dans ma musique, fermant les yeux pour pouvoir focaliser tout mon esprit sur chaque son qui sortait de mes écouteurs. Le rythme des bouts de bois, du piano qui accompagne la voix du chanteur, la guitare électrique…Chaque instrument n’est pas laissé au hasard dans un morceau et je me délectais de chaque instant, chaque ensemble de notes qui, mélangés, fusionnées entre elles, formaient une musique harmonieuse, inspirante. La paix entre les sons ! Voilà ce que j’aimais dans la musique. Parfois, je regrettais de voir que les hommes ne pouvaient pas s’accorder aussi bien que des notes de musique sur une partition pour former ensemble une mélodie parfaite…

Je rouvrais les yeux, ayant la mauvaise sensation d’être observé. Je remarquais en effet une petite créature à ma droite me jeter un regard. Erwin avait trouvé une raison de s’intéresser à moi après des semaines de je-m’en-foutisme total ? Car c’était bien la première fois qu’il semblait se sentir concerné par ce qu’il y avait autour de lui. Je n’étais pas la seule chose qu’il ignorait après tout, il avait dans le lycée la réputation d’un gars toujours déconnecté, absent, mais là…

-Je peux t’aider ? Demandais-je.

Il ne me regardait pas directement : il jetait son regard sur mon téléphone que je gardais dans la main.

-Tu aimes la musique ? Repris-je

-…Je n’en écoute pas.

-Ah bon ? Tout le monde écoute de la musique pourtant, au moins un petit peu.

-Je ne suis pas tout le monde…

Beaucoup de personne auraient trouvés ça bizarre, ce seraient mis à le juger, le considérer comme insolent et désagréable. Mais sa réponse me fit sourire. En effet, ce n’est pas tout le monde. Je ne suis pas tout le monde non plus, ni mon voisin de table, le chauffeur, le président. Tout le monde n’existait pas au fond.

-Tu veux écouter ?


Je retirais l’un de mes deux écouteurs et le lui tendit. Il posa son regard dessus et hésita, ressemblant à un animal méfiant devant un objet inconnu. « Sympathy for the devil » était en train d’être joué et je voyais qu’il était particulièrement attiré par cette tentation. C’était presque adorable. Il me dit doucement, presque dans un chuchotement adorable :

-Je veux bien…

Il prit avec beaucoup de délicatesse l’écouteur de ma main et le fixa dans son oreille. Il regarda de-vant lui et resta immobile. Il ferma les yeux et je voyais que ça lui faisait quelque chose. Il aimait. Il aimait ce morceau et ça me faisait plaisir de le voir en profiter.

Lorsque le morceau se termina, un autre prit automatiquement le relais sur ma playlist. Il resta silencieux, profitant de la musique, tout comme moi sur l’autre oreillette. Je l’accompagnais dans son mutisme et ferma les yeux. Pendant tout le reste du voyage, nous profitâmes tous les deux en silence des plus grands morceaux des rollin stones. Ce fut un moment bizarrement agréable, plus agréable qu’écouter de la musique seul. Après tout, c’était une activité que je faisais dans mon coin. Là, je savais qu’à côté de moi, quelqu’un partageait mon plaisir. Il partageait ma réception à un morceau. Je n’avais jamais cru pouvoir un jour socialiser dans le mutisme.

Après quelque temps à rouler, le bus s’arrêta enfin devant l’arrêt de mon trou paumé.

-Désolé, je vais devoir reprendre ça.

Erwin, au son de ma voix, réagit comme si il fut piqué par un moustique. Sans m’adresser directe-ment son regard, il enleva l’écouteur de son oreille pour me le redonner. Je me levais et pris mon sac, avant de le voir également rassembler ses affaires.

-Tu habites dans le village ? Je ne t’ai jamais vu traîner dans les rues.

Ce qui était vrai après tout. Je l’avais vu dans le parc près de chez moi, mais nulle part ailleurs.

-Non. Ma maison est quelque station avant.

-…Alors pourquoi t’arrêter là ?

-C’est une propriété privée, à proximité d’une rivière qu’il faut traverser par un peu un peu bas. Quand il pleut trop, le pont est submergé et je ne veux pas mouiller mes affaires en la traversant à la nage. Du coup, quand ça arrive, je vais au par cet j’attends qu’un ami de ma tante me retrouve et m’accueille chez lui.

Ce qui expliquait pourquoi je le voyais régulièrement dans le parc durant les vacances, et que…Mais attendez…ça n’expliquait pas vraiment les choses ! Il n’y a pas eu une seule goutte de pluie pendant tout le mois d’octobre.

-Mais alors pourquoi être allé au parc tous les jours durant l’été ?

-Et comment sais-tu ça ?

Je me rendais soudainement compte que je m’étais trahi. Je commençais à réfléchir à un moyen de dire que je l’observais depuis pas mal de temps. Je restais un moment dans le silence. Erwin pencha la tête sur le côté, semblant intrigué par mon absence de réponse. Pouvais-je lui dire la vérité sans avoir l’air d’un stalkeur ?

…Oui…Oui, peut-être en fait. Je me rendais compte que je n’ai jamais pu interagir avec lui autrement qu’avec spontanéité. Il réagissait face à la vérité, la réalité, la franchise.

-Je vis à côté du parc. Je mange sur mon balcon le matin, du coup j’ai finis par te remarquer.

Je me sentais un peu gêné de lui dire ça, mais il ne semblait pas dérangé. Il se contenta d’hausser les épaules, semblant tout à fait impassible. Cela me rassurait, d’une certaine manière. Je décidais de reposer à nouveau ma question.

-Et…Du coup, pourquoi tout l’été ?

Nous sortîmes tous les deux du bus, réfugiés en dessous du toit de l’arrêt. Cette enflure prenait son temps pour me répondre, il faisait perdurer le suspens.

-Parfois, je n’ai pas envie de rentrer…

-Tu n’as pas eu envie de rentrer chez toi de toute les…

Sans aucune forme d’agressivité ou de tension, il me coupa la parole :

-Ne cherche pas de raisons,. Il n’y en a pas. Parfois il n’y en a juste pas et il faut accepter que cer-taines choses n’ont pas de raisons d’être. Elles le sont, c’est tout…Surtout avec moi…

Un nouveau silence s’abattit entre nous. Je ne m’attendais pas à ce qu’il dise quelque chose comme ça et je ne savais pas quoi répondre. Il n’y avait pas grand-chose à dire au fond. Il s’était montré clair et direct, n’avait pas dit que des conneries et de toute manière, il s’agissait de sa vie privée.

-Désolé, me forçais-je à répondre.

-C’est bon…

-…Tu comptes attendre au parc sous cette pluie ?

-Oui.

La pluie d’ailleurs, s’était bien intensifié depuis que le bus était partit. Le climat assez tropical qui résidait dans cette île était capricieux. Il pouvait donner de beaux spectacles naturels. Qui resterait dehors sous une pluie aussi dense ? Je le regardais et ouvrait à nouveau la bouche :

-…Veux-tu que je t’héberge le temps que la pluie se calme ?
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