Matthis
Posté le 17 Juin 2015 par Matthis dans la catégorie Éducation
Je respire où tu palpit

Je respire où tu palpites, Tu sais ; à quoi bon, hélas ! Rester là si tu me quittes, Et vivre si tu t'en vas ?

A quoi bon vivre, étant l'ombre De cet ange qui s'enfuit ? A quoi bon, sous le ciel sombre, N'être plus que de la nuit ?

Je suis la fleur des murailles Dont avril est le seul bien. Il suffit que tu t'en ailles Pour qu'il ne reste plus rien.

Tu m'entoures d'Auréoles ; Te voir est mon seul souci. Il suffit que tu t'envoles Pour que je m'envole aussi.

Si tu pars, mon front se penche ; Mon âme au ciel, son berceau, Fuira, dans ta main blanche Tu tiens ce sauvage oiseau.

Que veux-tu que je devienne Si je n'entends plus ton pas ? Est-ce ta vie ou la mienne Qui s'en va ? Je ne sais pas.

Quand mon orage succombe, J'en reprends dans ton coeur pur ; Je suis comme la colombe Qui vient boire au lac d'azur.

L'amour fait comprendre à l'âme L'univers, salubre et béni ; Et cette petite flamme Seule éclaire l'infini

Sans toi, toute la nature N'est plus qu'un cachot fermé, Où je vais à l'aventure, Pâle et n'étant plus aimé.

Sans toi, tout s'effeuille et tombe ; L'ombre emplit mon noir sourcil ; Une fête est une tombe, La patrie est un exil.

Je t'implore et réclame ; Ne fuis pas loin de mes maux, Ô fauvette de mon âme Qui chantes dans mes rameaux !

De quoi puis-je avoir envie, De quoi puis-je avoir effroi, Que ferai-je de la vie Si tu n'es plus près de moi ?

Tu portes dans la lumière, Tu portes dans les buissons, Sur une aile ma prière, Et sur l'autre mes chansons.

Que dirai-je aux champs que voile L'inconsolable douleur ? Que ferai-je de l'étoile ? Que ferai-je de la fleur ?

Que dirai-je au bois morose Qu'illuminait ta douceur ? Que répondrai-je à la rose Disant : « Où donc est ma soeur ? »

J'en mourrai ; fuis, si tu l'oses. A quoi bon, jours révolus ! Regarder toutes ces choses Qu'elle ne regarde plus ?

Que ferai-je de la lyre, De la vertu, du destin ? Hélas ! et, sans ton sourire, Que ferai-je du matin ?

Que ferai-je, seul, farouche, Sans toi, du jour et des cieux, De mes baisers sans ta bouche, Et de mes pleurs sans tes yeux !

Victor Hugo.
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